jeudi 7 juin 2007

Divagations de surveillance d'examen et petits sablés aux tomates séchées




En ce moment, la saison des examens (et des concours) bat son plein (certaines ont dû s'en apercevoir). Comme tous les ans depuis que j'ai commencé ma thèse et que je donne des cours à la fac, je suis de surveillance en amphi. Ce qui est loin d'être une partie de plaisir...
C'est dans ce contexte que j'ai revu, la semaine dernière, des étudiants que j'avais eus en début d'année. Après un 2nd semestre sans cours, je me suis rendue compte qu'ils m'avaient manqué. J'en ai presque eu un pincement au coeur en les revoyant, sachant qu'ils sont mes derniers étudiants et que dans trois mois, ce sera fini, je serai arrivée au terme de mon ultime contrat.
En faisant le tour de l'amphi, dix fois, vingt fois, pendant l'épreuve, j'ai eu tout le loisir de les observer, de surveiller plus attentivement celles (eh oui, la majorité sont des filles) dont je connaissais la propension à discuter (tricher ?) pendant les partiels, et ce tout en laissant mon esprit divaguer...

Moi enseignante, ce n'était pas gagné. Je revois encore les mines incrédules de mes étudiants, quand je faisais mon entrée dans la salle de cours et que je m'installais au bureau du prof, lors de la toute première séance. Ils devaient sans doute croire à une (mauvaise) plaisanterie, je me souviens, ça chuchotait de tous les côtés. Et encore, s'il n'y avait eu qu'eux... Chaque fois que je me rendais à un secrétariat pour demander une brochure pédagogique, un papier ou un renseignement sur un cours, on me demandait immanquablement en quelle année j'étais inscrite, ce à quoi je répondais que c'était moi l'enseignante... S'ensuivaient alors des excuses de la secrétaire qui, voyant mon allure juvénile, n'y croyait pas beaucoup plus que les étudiants...

Bref, j'ai vite compris qu'il valait mieux bannir les t-shirts Björk roses ou les hauts de survêt Adidas vintage vert flashy si je ne voulais pas anéantir totalement ma crédibilité face à des étudiants à peine plus jeunes que moi. J'ai donc opté, à la place, pour des tenues plus "sérieuses", voire plus ringues pour mieux coller au look "prof de fac" (je vous jure, qu'est-ce qu'il faut pas faire parfois...).
Malgré tout, certain(e)s étudiant(e)s prenaient un malin plaisir à me tester, en me posant des questions scabreuses (pour voir si j'avais réponse à tout) ou bien en contestant mon système de notation (forcément injuste). Une fois, une étudiante qui bavardait trop et à qui j'avais demandé de prendre la porte, m'a tenu tête.
Des choses qu'ils ne se seraient pas permises avec un "vrai" prof...

A l'heure où tout cela s'achève, une foule d'images me sont revenues à l'esprit. J'ai revu ces matins embrumés où il fallait partir travailler alors que les rues étaient encore désertes, la foule pressée sur les quais de la gare, les visages ensommeillés dans le train de 8h08. Je me suis souvenue de la boule dans le ventre avant chaque cours, de mes gesticulations au tableau, de mes va-et-vient, de mon corps en sueur et de mes joues en feu à la fin de chaque séance (une fois, je suis allée faire cours en col roulé : j'ai vite compris ma douleur...). Je me suis souvenue de ces heures passées à préparer les cours, à la maison et à la bibliothèque, et de ces nuits passées à corriger ces satanées copies. Je me suis souvenue des sourires de certains étudiants lorsque nous nous croisions dans les couloirs, et des mots échangés parfois avec eux...

Et puis, au milieu de ces divagations, j'ai eu faim, car c'était l'heure du goûter... Mais c'était une envie de salé. C'est ainsi que j'ai eu l'idée de petits sablés salés, avec des morceaux de tomates séchées dedans. Pour la base, que je voulais sans beurre, j'ai pensé aux sablés de Clea, et le reste fut improvisé dans ma cuisine à une heure bien avancée de la nuit...

Petits sablés aux tomates séchées
pour une vingtaine de sablés

100 g de farine T65
50 g de semoule de blé fine
50 g de poudre d'amandes
20 moitiés de tomates cerises séchées (la recette ici)
1 c.c. d'origan (on peut en mettre plus)
1 c.c. de sel fin
1 oeuf
50 g d'huile d'olive (étant donné que les tomates sont assez grasses, on peut en mettre un peu moins)

Egoutter et hacher finement les tomates séchées.
Mélanger farine, semoule, poudre d'amandes, origan, tomates, origan et sel.
Ajouter l'oeuf et l'huile, mélanger et former une boule.
Filmer et mettre au frigo pendant 1 h.
Préchauffer le four à 180 °C.
Etaler la pâte, découper des formes à l'emporte-pièce, les déposer sur une plaque couverte de papier sulfurisé. (comme le dit Clea, la pâte est très friable, mais c'est normal)
Enfourner pendant 12-14 minutes.
Laisser refroidir sur la plaque.

******

En bonus : un extrait de roman.

Le contexte est le suivant : Simon, le personnage principal, qui est un thésard assurant des cours à la fac, vient d'assister au décès d'un professeur sur le campus. Il se rend dans le bureau du président de l'université, où se trouve un commissaire de police chargé de l'enquête. Voici la conversation qui s'ensuit :

"- Vous êtes professeur ici ? demanda le commissaire en levant les yeux pour examiner le nouvel arrivant par-dessus ses lunettes.
- Ater, pour faire simple.

- Désolé, dit le commissaire d'une voix compatissante. Ce genre de mission auprès des proches est éprouvant, c'est vrai.
- Pardon ? dit Simon.

- Vous me dites que vous êtes à terre, mais je peux vous assurer qu'il n'y a pas que vous à accuser le coup lorsqu'il faut faire des condoléances.
- M. Saltiel est en fait demi-ater en littérature comparée dans notre université, dit le président qui tenait à être précis mais dont la remarque semblait plutôt plonger le commissaire dans une perplexité croissante.

- Demi à terre ? Là, je vous avoue que...

- A-T-E-R, épela Goulletqueur [le président], assistant temporaire d'enseignement et de recherche.

- Ah, dit le commissaire.

- Pas encore maître de conférence, compléta charitablement Simon.
- Je vois, dit le commissaire, mais on sentait qu'il parlait un peu au hasard.

- C'est assez compliqué quand on n'est pas familier avec l'enseignement supérieur, plaidait Goulletqueur. Tout le monde croit qu'il n'y a que des professeurs dans les universités. Mais non. Chaque titre, chaque nuance a sa raison d'être."


(Pierre Christin, 2006, Petits crimes contre les humanités, Editions Métailié, Paris)

21 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai beaucoup aimé ton récit et tes ablés, que dire...superbes !

Anonyme a dit…

Moi aussi j'ai pris plaisir à te lire. Forcément... j'aurais pu écrire peu ou prou la même chose ;)

Anonyme a dit…

mmm en tout cas en cuisine t'es crédible !

Anonyme a dit…

super appétissants tes sablés !! j'ai beaucoup aimé ton récit je me revoyais il y a quelques semaines en train de plancher sur mes copies ... mais ça y est maintenant ce sont les vacances et j'ai validé mon année !! youpi !!

Anonyme a dit…

Oui, ton récit me parle...
Moi je surveille le bac durant toute la semaine prochaine et ensuite j'aurai la correction des copies et les oraux de rattrapage à faire passer...Je vais donc pouvoir emporter moi aussi quelques douceurs à grignoter!

Anonyme a dit…

j'ai aimé et le récit et la recette

Flo a dit…

Et bien quelle histoire !On se demande toujours quel effet cela fait d'être "de l'autre côté", tu nous en a donné un petit aperçu !

Et côté sablés, rien à redire ...

Anonyme a dit…

Ouahou! Les surveillancenem'ont jamais autant inspirée!

Anonyme a dit…

Tes sablés me tentent bien et je te plains franchement pour les surveillances, quand je vois comme mes codisciplinaires trichent ;-)

Anonyme a dit…

Quand est-ce que tu nous écris une autobiographie? Je prends à ce récit, alors qu'en général, j'ai du mal!
Moi c'est en tant qu'élève que j'ai la nostalgie à chaque fois!

Gracianne a dit…

Je me vois plutot de l'autre cote je crois, sur les bancs de la fac, en train de me demander quel age peut bien avoir cette prof avec son tee-shirt Bjork.
Mais comme dit qaly, en cuisine tu es credible, je suppose qu'en cours aussi.

Anonyme a dit…

Sublimes ces sablées salés, je te piques la recette!

Anonyme a dit…

J'apprécie beaucoup ton billet et ta recette de petits sablés aux tomates séchées. Merci pour cette bonne idée.

Mimi a dit…

J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ton billet...Moi aussi j'ai testé il y a peu de temps des sablés aux tomates séchées et c'est vrai que c'est délicieux :-)

Anonyme a dit…

Je supposes que tu as déjà lu des romans de David Lodge? Trèèèès drôle et machiavélique: ça devrait te plaire! ;op

Anonyme a dit…

n'ayant absolument pas du tout du tout la fibre enseignante je crois que je vais rester du côté de ceux qui grattent pendant que tu te balades.... ^^
Et mine de rien c'est pati pour durer encore un peu, beaucoup, à la folie!
Sinon, tes sablés sont parfaits! Ils donnent faim, c'est donc que c'est réussi!

Dorian Nieto a dit…

Voilà que forcément c'est maintenant ton récit qui me parle... mais me parle à un point ! et puis subitement je me dis que ton idée de dévorer ces petits sablés aux tomates séchées... ça me parle aussi !

Suiksuik a dit…

Ahhh la fac ! J'ai toujours apprécié mes chargés de TD sauf une l'exception qui confirme la règle :-)

Papilles et Pupilles a dit…

Ils ont l'air délicieux. j'aime beaucoup les versions salées :)

Alhya a dit…

j'ai enfin pu lire ce billet.. j'étais partie m'aérer ce week end, et la course permanente m'empêchait d'y aller avant. Alors d'abord, qu'est ce que je me retrouve dans ce que tu décris.. l'enseignement, il me reste encore une année d'Ater et ce sera fini, je redoute déjà ce moment... je suis toujours un peu nostalgique en laissant mes étudiants partir à la fin de chaque année.. et ces sablés, irrésistibles, évidemment!

Claire a dit…

Ah oui, pour être friable, elle est friable, la pâte! ;-)
J’ai beaucoup aimé la saveur de ces sablés (je me suis permis d’ajouter du parmesan, parce que moi j’aime ça ;-), mais un peu moins leur consistance (la semoule je crois, j’essaierai de la remplacer par de la farine pour voir).
C’était mes premiers sablés salés, et ça m’a donné envie de récidiver!